Interventions sous surveillance

L'usage des caméras-piétons par les polices municipales

Des policiers municipaux ont pu expérimenter des caméras individuelles lors de leurs interventions jusqu'au 3 juin 2018. Les rapports que certaines communes ont envoyé au ministère de l'intérieur permettent d'en savoir plus sur l'utilisation de cet outil de surveillance et son efficacité déclarée en matière de prévention. – Publié le 18 avril 2019

De quoi parle-t-on ? Des mairies ont demandé la possibilité d'équiper les agents de caméras individuelles qui pourraient filmer leurs interlocuteurs pendant leurs interventions. L'objectif : lutter contre les outrages et les violences contre les policiers municipaux. Contrairement aux États-Unis où les caméras ont été introduites pour rendre la police plus transparente, en France, elles sont considérées comme un outil pour faciliter le travail policier. Des caméras-piéton ont été utilisées dès 2013 à Villefontaine (Isère) ou à Loriol (Drôme) à partir de mai 2014. En 2015, des Go-Pro ont équipé les policiers municipaux à Orléans (Loiret). Ces utilisations se faisaient alors sans un véritable cadre juridique.

En 2016, une expérimentation des caméras encadrée par la loi a été permise pour les policiers municipaux. Près de 400 communes ont demandé aux préfectures à y participer, utilisant plus de 2 000 caméras. Elle s'est terminée le 3 juin 2018. Dans la foulée, l'utilisation a été pérennisée deux mois plus tard. Les agents portant une caméra peuvent ainsi, après avoir averti les personnes présentes, filmer leurs interventions. L'hypothèse est que le comportement du public pourrait s'adoucir sous l'oeil de la caméra.

En partenariat avec plusieurs médias locaux, dont Le Parisien et Marsactu, le Panier à salade, newsletter spécialisée dans la police et la justice, a étudié les bilans envoyés par 240 communes au ministère de l'intérieur à la fin de l'expérimentation. Ils montrent avant tout une satisfaction des communes et des polices municipales dans l'utilisation de cet outil, celles-ci mettant en avant leur effet « dissusasif » et « préventif ».

Retrouvez les articles de nos partenaires (la liste sera mise à jour régulièrement) :

Retrouvez les rapports envoyés par 240 communes (dans 51 départements différents) au ministère de l'intérieur :

Consulter le rapport

Quel bilan pour cette expérimentation ? Globalement, les rapports montrent la satisfatction des maires ou chefs de polices municipales. Ceux-ci soulignent l'effet dissuasif du dispositif. 392 communes ont demandé une autorisation préfectorale pour participer à l'expérimentation, qui s'est terminée le 3 juin 2018. Des communes principalement urbaines – seules neuf communes participantes sont qualifiées de rurales par l'Insee – qui totalisent 10,7 millions d'habitants. Elles comptent d'un seul policier municipal à près de 500. Certaines n'ont finalement pas équipé leurs policiers municipaux.

À l'été 2018, le ministère de l'intérieur a publié un premier bilan établi à partir des remontées des communes ayant participé à l'expérimentation. Au moment de la rédaction du rapport, 198 communes avaient envoyé leurs observations. Début mars 2019, à la suite d'une demande CADA, le ministère de l'intérieur nous a communiqué l'ensemble des rapports transmis par près de 250 communes. Les rapports sont de longueur, précision et qualité différentes. Certains se contentent de demander une prolongation, d'autres répondent brièvement à la question, d'autres encore partagent autant que faire se peut leur expérience et leurs idées.

« Depuis le port visible et bien identifiable de cette caméra-piéton, notre travail est largement facilité, le contact est plus aisé et respectueux. D'ailleurs nous n'avons pas eu le besoin de l'utiliser en mode enregistrement », se satisfait le chef de la police municipale de Meyrargues (Bouches-du-Rhône). Comme à Meyrargues, un tiers des communes n'ont pas eu à procéder à un enregistrement, comme le notait le ministère de l'intérieur. Un autre tiers a procédé à moins de 20 enregistrements.

L'avantage d'un dispositif de prévention est que chaque indicateur utilisé peut prouver la nécessité du dispositif. Ainsi, pour plusieurs maires, un nombre faible d'enregistrements montre que le dispositif fonctionne, de même pour le faible nombre de transmission d'images à la justice. Cependant, pour d'autres, un nombre important d'enregistrements prouve l'utilité des caméras...

117 rapports, soit plus de la moitié, mentionnent les termes « dissuasif », « dissuasion », « préventif » ou « prévention ». « L'ensemble des policiers municipaux ont constaté un changement d'attitude au moment où les fonctionnaires de police annoncent que l'intervention est filmée », rapporte le chef de la police municipale d'Agde (Hérault). Une grande majorité des rapports prouvent également l'utilité du dispositif par une baisse des violences contre les policiers municipaux, sans appuyer ces déclarations de chiffres détaillés. « Je ne comprends pas comment, sans chiffres détaillés ni comparaisons, on peut faire un tel rapport, s'interroge Arié Alimi, avocat et membre du Bureau national de la Ligue des droits de l’Homme. On ne peut pas se permettre de faire un rapport sur un ressenti. »

À Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes), le maire s'agace d'une « recrudescence (...) de prises de vues filmant les interventions des policiers et les mettant systématiquement en cause sur les réseaux sociaux ». Avec lui, plusieurs rapports plaident pour un besoin de s'équiper face aux nombreux téléphones portables brandis par le public lors des interventions. Le maire de Trappes (Yvelines) note la même chose : « [Les agents de la police municipale] font observer que de nombreuses personnes filment leurs interventions sur leur téléphone mobile. [Les caméras-piétons] permettent donc de s'assurer que les événements sont aussi filmés du point de vue du policier municipal. »

Dans la plupart des communes, le déclenchement de l'enregistrement reste à l'entière discrétion de l'agent. Les conditions de déclenchement ne sont pas très claires. L'article L241-2 du Code de la sécurité intérieure dispose seulement que les agents équipés peuvent enregistrer leur intervention « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées ». La Cnil reproche d'ailleurs ce manque de précision, estimant « indispensable d’établir une doctrine d’emploi qui, sans dresser une liste exhaustive des circonstances de nature à justifier le déclenchement des caméras, définirait des critères objectifs commandant l’utilisation des dispositifs ». À Béziers (Hérault), « les fonctionnaires privilégient le déclenchement anticipé de l’enregistrement en perspective des interventions susceptibles d’être sensibles ». Dans quelques communes, certains policiers municipaux ont dû « systématiquement » enregistrer leurs interventions ; par exemple à Hérouville-Saint-Clair (Calvados) ou au Val-d'Hazey (Eure)« toutes les interventions sont filmées ».

À Melun (Seine-et-Marne), le directeur de la police municipale note la vertu « pédagogique et déontologique » de la caméra individuelle « puisqu'elle a permis de corriger certains comportements professionnels des agents, comme un langage non adapté ou une attitude à améliorer ». Une utilisation de la caméra pour responsabiliser les policiers municipaux qui est également remarquée à Nice (Alpes-Maritimes), où il est écrit : « Il est par ailleurs tout autant certain qu'un effet [de retenue] ait été engendré sur les personnels se sachant susceptibles d’être filmés également par le déclenchement d'une caméra déployée par un coéquipier. ». De même, à Avrillé (Maine-et-Loire), il est noté que « le port et l’usage de la caméra est ainsi perçu comme contribuant à la sécurité physique et juridique [des agents] mais aussi comme les obligeant – en contrepartie – à un exercice plus exigeant que jamais des pré-requis et savoir-faire en intervention ».

L'utilisation des images par la justice est très faible. Moins de 200 extractions ou consultations judiciaires des images tournées par des caméras-piétons de policiers municipaux ont été effectuées dans toute la France sur l'ensemble de la durée de l'expérimentation. « Cette faible demande d'exploitation des images démontre l'intérêt d'un tel outil, plaide le maire de Rive-de-Gier (Loire). Il fait baisser le nombre de remises en cause du comportement des agents, trop souvent taxés à tort, à l'époque, d'avoir tenus des propos insultants l'égard des personnes interpellées. » Le faible nombre d'extractions peut également s'expliquer par un manque d'information des autorités judiciaires sur la disponibilité des images.

Le chef de la police municipale de Loudéac (Côtes-d'Armor) note que « l'autorité judiciaire n'est pas en mesure de savoir si les agents de police municipale sont dotés de caméras individuelles et donc de procéder à des réquisitions pour la transmission des images ». Les policiers municipaux évoquent également les relations pas forcément simples avec les autres forces de sécurité. La ville d'Avrillé donne elle l'exemple « de membres d’équipages de la BAC surpris lors d’une intervention en renfort de découvrir que la police municipale dispose de caméras et – dans un premier temps – réticents à ce que celles-ci soient activées ».

Ces rapports permettent enfin une plongée dans le quotidien des polices municipales : contrôles routiers, rodéos urbains, tranquilité publique... À Vannes (Morbihan), les interventions relevées sur cinq mois d'expérimentations concernent des « marginaux avinés », des « attroupements de SDF » et des « jeunes ». Une dizaine de rapports mentionnent d'ailleurs les « jeunes » comme population sensible. À Semoy (Loiret), le maire se félicite que la caméra soit utilisée lors des interventions « avec publics difficiles : SDF, gens du voyage, personnes alcoolisées ». Sept autres rapports associent les « gens du voyage » avec des populations difficiles.

L'augmentation des violences contre les policiers est régulièrement mentionnée comme cause de l'équipement, mais rarement quantifiée. Les attentats de 2015, et notamment le meurtre de Clarissa Jean-Philippe, policière municipale à Montrouge (Hauts-de-Seine), par Amédy Coulibaly, sont parfois évoqués comme raison de s'équiper de caméras. C'est le cas à Colombes (Hauts-de-Seine), qui a acheté des caméras « à l'issue des tragiques attentats du 13 novembre 2015 ». À Loriol (Drôme), l'expression « menace de type “Coulibaly” » est même utilisé, en 2015, pour qualifier des menaces verbales contre un agent. « De nombreuses insultes » et « une tentative d’intimidation » nous détaille le chef de la police.

Cinq rapports font état de menaces de mort contre les agents de police municipale, étayées par les images des caméras-piétons. À Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), le maire raconte que « lors d’une intervention de la police municipale, un agent s'est fait percuter par un scooter puis reçu un coup de poing en plein visage. L'auteur des faits été filmé et il a ensuite été interpellé par les enquêteurs de la police nationale ». Le Syndicat de défense des policiers municipaux plaide qu'« en aucune manière, la caméra-piéton, même si elle est utile, ne constituerait un moyen de protection ». La seule solution, selon le syndicat : « L'armement des policiers municipaux doit encore être généralisé. »

Les caméras-piétons ont d'ailleurs été utiles aux policiers municipaux dans le cadre de l'utilisation de leurs armes. À Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), les images ont permis de prouver la légitime-défense des policiers municipaux lorsqu'ils ont « dû faire usage de leur TASER pour maîtriser un individu armé d'une arme blanche ». Ce fut le cas aussi à Courcouronnes (Essonne), pour le même type d'arme ou à Colombes (Hauts-de-Seine). À Saint-Claude (Jura), le maire note que « ces enregistrements ont également permis une totale transparence lors des faits d’usage de l’arme par un agent de police municipale ». Le 24 mars 2018, un policier municipal avait tiré sur une voiture qui prenait la fuite. Il a été dispensé de peine.

Quelles utilisations problématiques ? Certaines utilisations décrites dans les rapports ne semblent pas correspondre à l'usage prévu par la loi. La possibilité de prise de photo avec la caméra, par exemple, a été régulièrement utilisée par des policiers municipaux. Préviennent-ils les personnes qu'ils prennent en photo ? Les modalités d'accès aux photos sont-elles les mêmes que pour les vidéos ? Dans d'autres mairies, les policiers municipaux se félicitent de pouvoir s'appuyer sur les images pour rédiger leurs PV ; ils n'ont normalement pas le droit d'accéder à leurs propres images.

À Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), « des caméras ont été configurées pour être utilisées dans les véhicules de la police municipale. Celles-ci sont systématiquement déclenchées dès qu’un mis en cause appréhendé fait l’objet d’un transport au commissariat pour une mise à disposition. » Les personnes sont-elles prévenues de l'enregistrement systématique ? Le fait que la caméra ne soit pas portée par un policier ne pose-t-il pas problème ?

Interrogés sur ces différentes questions, ni le ministère de l'intérieur, ni la Cnil n'ont répondu à nos demandes.

Quelle adoption par le public ? La caméra semble, selon les différents rapports, bien acceptée. « Le public ne voit plus en ce dispositif une atteinte à la vie privée, mais plutôt une alternative à résoudre la problématique », note-on à Crépy-en-Valois (Oise). Certains y voient même un outil en faveur d'action de proximité. À Audincourt (Doubs), le maire écrit même que « Pour une partie du public, la curiosité que suscite l'équipement est bien souvent le point de départ d'un échange et d'une discussion qui contribue à établir une relation de proximité ». « Très vite, certains individus demandaient aux agents où se trouvaient leurs caméras lorsqu'ils avaient affaire à des fonctionnaires non équipés », remarque le maire de Rive-de-Gier (Loire). Le chef de la police municipale de Crolles (Isère) raconte que, dans les premiers temps, « il est souvent arrivé que notre interlocuteur lors d'une conversation “de contact” sur la voie publique fixe la caméra d’un œil interrogatif de façon insistante, pensant que sa conversation était enregistrée ». Une inquiétude souvent apaisée : les échanges ne sont enregistrés qu'après signalement de l'agent de police municipale.

« La caméra en soi n’est pas une mauvaise chose par rapport à la situation antérieure, rappelle Arié Alimi, de la Ligue des droits de l'Homme. Mais c’est une vision unilatérale : elle ne permet d’avoir qu’une image de la personne contrôlée. C’est le policier qui met en marche ces caméras, elles ne fonctionnent pas en permanence. Elles n’enregistrent que ce que veut bien enregistrer le policier. » Les policiers municipaux restent en effet toujours maîtres du cadre, et très peu de polices municipales semblent autoriser les personnes interrogées à demander l'enregistrement de l'intervention. C'est le cas à Nantes (Loire-Atlantique) ; sur le site internet de la ville, on peut lire que « la caméra peut aussi être activée à la demande d’un citoyen directement concerné par une intervention de la police municipale ». Une possibilité qui n'est pas connue ou pas utilisée, puisque lors de l'expérimentation « aucun déclenchement n'a été effectué à la demande des citoyens », note le rapport.

Par souci de transparence, si l'enregistrement n'a finalement pas pu se faire, certaines communes souhaitent que ce soit indiqué et expliqué dans le procès-verbal, pour éviter des accusations de maquillage. À Loudéac (Côtes-d'Armor), « il est demandé aux agents de préciser l'information faite de la mise en fonction de l'enregistrement audiovisuel, et surtout les circonstances qui n'ont pas permis de mettre en œuvre l'enregistrement. »

De plus, n'importe quelle personne filmée par une caméra – de la même manière que pour la vidéo-surveillance – peut demander un accès aux images. Soit directement auprès du maire, soit indirectement auprès de la Cnil « afin d'éviter de gêner des enquêtes et des procédures administratives ou judiciaires et d'éviter de nuire à la prévention ou la détection d'infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière », comme le note le décret d'application. Au Raincy (Seine-Saint-Denis), « le droit d'accès aux images est évoqué en fin d'intervention, et les personnes filmées ont la possibilité d'y avoir accès en prenant rendez-vous aurpès du service de police municipale ».

L'utilisation de ces caméras restent cependant floue pour le public. Le droit d'accès aux images des personnes filmées, ou les conditions de déclenchement des caméras, ne sont que très rarement mentionnés et détaillés dans les publications officielles. Légalement, toutes les communes doivent informer leurs administrés de l'utilisation de caméras-piéton par les agents de police municipale. Ils le font souvent par une page sur le site Internet, ou par un petit article dans les journaux municipaux.

Des pratiques plus transparentes existent pourtant à l'étranger. La police de la Nouvelle Orléans (Louisiane, États-Unis) liste non seulement l'ensemble des enregistrements auxquels elle a procédé – comme l'exige d'ailleurs la loi en France – mais publie également ce registre en ligne. La police de Londres (Royaume-Uni) détaille de son côté sur un mini-site les conditions d'utilisation des caméras, avec notamment une liste d'événements pouvant entraîner un enregistrement ou des vidéos détaillant l'utilisation de la caméra.

Quels textes encadrent ces pratiques ? L'utilisation des caméras-piétons par des agents de police municipales a été permise à partir de 2016 dans le cadre d'une expérimentation. L'expérimentation ayant, selon le ministère de l'intérieur, porté ses fruits, le dispositif a été définitivement pérennisé en août 2018, et est utilisable depuis mars 2019, à la suite de la publication du décret d'application.

Combien ça coûte ? La note d'impact publiée avec le décret fin février estime à 750 € le coût moyen d'une caméra, avec ses accessoires, auxquels s'ajoutent 1 000 € pour le support informatique (serveur dédié ou abonnement). Les 25 caméras de marque Sentinel acquises par la police municipale de Saint-Raphaël (Var) ont coûté 9 450 €, soit 378 € pièce, d'après le bon de commande que nous avons pu consulter. La ville d'Angers (Maine-et-Loire) a dépensé 36 768 € pour « un marché global qui inclut le système de vidéo protection fixe et les [16] caméras mobiles », précise la mairie.

Le coût n'est donc pas négligeable. Certaines communes ont d'ailleurs déclaré ne pas prendre part à l'expérimentation, faute d'argent. Le maire de La Londe-Les Maures (Var) indique qu'il n'a pas « souhaité acheter des caméras individuelles pour équiper [ses] agents ». Celui de Villars (Loire), écrit lui au préfet que « malgré l'autorisation délivrée par vos services, nous n'avons jamais fait l'acquisition de ces caméras faute de subvention ». Des aides sont accessibles, comme celle du Fonds d'investissement pour la prévention de la délinquance (FIPD) qui peut financer la moitié du montant dépensé – le FIPD a dépensé près de 149 000 euros pendant l'expérimentation – ou celles venant de régions comme la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, qui aide à hauteur de 30% du coût de l'équipement.

Un coût important qui permet de douter de l'aspect réellement expérimental du dispositif. De nombreuses mairies ont d'ailleurs souligné que le matériel avait été acheté et qu'il serait dommageable de ne pouvoir s'en servir sur la longueur. Dans certaines villes, les caméras ont été prêtées le temps de l'expérimentation. Ce fut le cas à Nice (Alpes-Maritimes) ou à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).

Comment ça marche ? Plusieurs entreprises se disputent le marché, avec le même type d'équipements, encadrés techniquement par le décret d'application. Certains équipementiers se démarquent sur la précision de l'objectif ou l'autonomie des caméras. Dans sa délibération, la col-lg-8 col-md-10 col-sm-12 recommande « des caméras disposant d’une mémoire inamovible, faisant l’objet d’un chiffrement réel et non d’une simple obfuscation, et dont l’accès soit réservé au logiciel de gestion des enregistrements », ce qui n'est pas le cas de tous les dispositifs utilisés.

Retrouvez ci-dessous les spécificités techniques des principales caméras vendues, ainsi que des liens vers les catalogues et documentation des constructeurs.

Connectez vous depuis un ordinateur pour un tableau détaillant les spécificités techniques des caméras selon les fabriquants.

Marque Autonomie
(hors veille)
Capacité Poids Enregistrement tampon
avant et après
Prix pièce indicatif Communes équipées Documents
Sentinel plus de 8 heures 32 Go 30 secondes à 10 minutes environ 300 € 17 communes
225 caméras
Axon
distribuée également par GK Pro
plus de 12 heures 64 Go environ 480 € 11 communes
139 caméras

Allwan 8 heures jusqu'à 64 Go 127 g jusqu'à 60 secondes 1 commune
16 caméras
Optovision 10 heures jusqu'à 32 Go 160 g Environ 380 € 1 commune
12 caméras
Procams Vault jusqu'à 10 heures 197 g Environ 420 € 4 communes
24 caméras
Calocam CT-04
distribuée par ICM
32 Go 1 commune
1 caméra
Dealpix RS2-X2/X2-L jusqu'à 8 heures jusqu'à 32 Go 127 g à 144 g
Hitec 11,5 heures 32 Go 125 g à 178 g 30 secondes
jusqu'à 60 secondes pour certains modèles
1 commune
16 caméras
Aito Pro Xtrac jusqu'à 8 heures 32 Go 150 g 5 secondes 3 communes
15 caméras
Vupoint 5 communes
9 caméras
Exavision 2 commune
12 caméras

À ces dispositifs s'ajoutent l'hébergement des vidéos. Cinq caméras utilisées trois fois par jour représentent 9 téraoctets au bout de six mois d'utilisation, selon un décompte réalisé par un prestataire. Ceux-ci proposent plusieurs solutions : l'hébergement des vidéos sur un ordinateur, un poste dédié, des serveurs clé en main ou des solutions cloud. À ce matériel s'ajoute des prestations de maintenance, d'installation ainsi que des solutions de sauvegarde. Le directeur de la prévention et de la sécurité publique de Romans-sur-Isère (Drôme) trouver la durée de conservation trop longue : « La réglementation actuelle requiert un espace de stockage permettant de conserver les données six mois. Ce délai trop long oblige à investir de lourdes sommes dans un système répondant aux exigences techniques ou alors à limiter les agents dans leur déclenchement d'enregistrement. »

Les bilans établis par les communes montrent aussi de nombreuses difficultés avec ces dispositifs. À Dugny (Seine-Saint-Denis), malgré l'autorisation préfectorale obtenue fin 2017, le responsable de la police municipale signale qu'il rencontre « des problèmes de matériel qui ne [les] a pas permis d'utiliser beaucoup ces caméras », citant « le mode de déclenchement de l'appareil » ou « la capacité de mémoire ». Le directeur de la police municipale de Fleury-les-Aubrais (Loiret) évoque « une problématique sur les sécurités de la version de logiciel Windows », qui a empêché l'expérimentation pendant un mois. À Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), le chef de la police municipale raconte lui comment les « images de l'intervention » face à un homme violent, menaçant sa femme d'un couteau, « n'ont pu être exploitées, un problème technique ayant occasionné l'effacement des données ». En cause, « divers problèmes de paramétrage du logiciel fourni pour la configuration, la conservation et le traitement des images ». À Montpellier (Hérault), des problèmes dans les bases de téléchargement et recharges ont empêché la participation à l'expérimentation. La ville a préféré ne pas « mettre à disposition un disque dur indépendant (...) considérant que le niveau de sécurisation devait approcher le degré de sécurité et d'exigence de la vidéoprotection sur le stockage et la réquisition des images ».

Quels développements ? La loi permet pour l'instant le port des caméras par les policiers municipaux. « D’autres personnels en tenue, à l’instar des ASVP [agents de surveillance de la voie publique], sont demandeurs de caméras individuelles », plaide-t-on à Besançon (Doubs), mais également à Lille (Nord), Sanary-sur-Mer (Var) ou Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes). Le préfet de l'Isère fait également remonter le souhait des transports en communs grenoblois d'en doter leurs contrôleurs. Une possibilité qui est actuellement débattue au Parlement dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités.

D'autres utilisations sont tentées. Le maire de Mandelieu-la-Napoule annonce par exemple sur Twitter que les voitures de la police seront équipées de caméras, bien que le dispositif ne soit pas prévu par les textes de loi.

La mairie de Nice (Alpes-Maritimes) demande de son côté « la possibilité légale de renvoyer en direct les images à un centre de supervision urbain ou une tablette disposée dans un véhicule ». « Une telle mesure est de nature à se projeter vers le futur à travers des technologies innovantes », souligne le directeur des sécurités à Nice. Le directeur de la tranquilité et sécurité publique d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) imagine quant à lui « un déclenchement automatique des caméras », notamment en identifiant des « paroles qualifiées de délictuelles » ou grâce à un « détecteur de mouvement ». L'imagination en terme d'innovation n'a pas de limite.

Retrouvez l'ensemble des données tirées des rapports et d'autres documents dans un tableur.

Une enquête du Panier à salade
et de plusieurs sites et journaux locaux